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Sébastien Rochelle

La crise sanitaire est une source de renouveau : Quels enseignements retenir ?

Avec le déconfinement et la reprise progressive de notre économie, nous entrons dans une zone de turbulences sanitaires, sociales et économiques qui risque fort d’être aussi agitée que la précédente. Ce sera pourtant le moment des bilans et des enseignements à tirer !


La crise a, entre autres, remis sur le devant de la scène des notions parfois galvaudées – nous parlions dans un article du 16 avril dernier du retour de la solidarité – et a contribué à banaliser des pratiques encore minoritaires comme le télétravail ou la téléconsultation. Bien sûr, elle a aussi remis le système de soins au « centre du village », même si celui-ci a été trop cantonné aux hôpitaux.


Les enseignements que nous nous proposons de tirer reposent sur un choix subjectif parfaitement assumé. Ainsi, ce qui s’est passé à l’hôpital nous semble être tout à fait intéressant bien au-delà des établissements et des professions de santé en cause. Nous percevions l’hôpital comme un mammouth, or il a su s’adapter vite et fort.

Les organismes assureurs ont aussi dû réagir rapidement, sans planification ni processus autre que les plans de continuité, pour une fois testés en grandeur nature mais qui n’avaient peut-être pas prévu le risque du confinement que nous venons de vivre. La crise, la réaction des assureurs et les attentes exprimées à leur endroit nous apprennent quelque chose.

Premier enseignement : ce que l’hôpital nous a rappelé.

L’hôpital est un lieu de contraires. La pandémie en cours l’a montré et c’est, pensons-nous, un lieu de leçons.

Voilà quelques semaines encore (une douzaine !), l’hôpital était à la fois l’incarnation du trou de la Sécu et l’objet d’une réforme permanente et douloureuse dont l’azimut semblait – à tort ou à raison – plus budgétaire que sanitaire.

Dans les faits, avec le Covid-19, les acteurs de l’hôpital ont su métamorphoser les services et combiner les compétences, les énergies, les bonnes volontés afin de lutter contre la vague pandémique. Le présumé léviathan administratif s’est mué avec rapidité et pragmatisme. Les choses ne furent pas parfaites mais l’hôpital a rappelé que, au-delà de tout, sa fonction primaire est de prodiguer des soins à ceux qui en ont besoin. À quelque chose malheur est bon.

La force de l’hôpital et des soignants a donc été de savoir faire face, au niveau technique, organisationnel, managérial et humain.

La tâche était immense mais la mission simple : s’organiser pour accueillir le plus grand nombre de (très) malades en adaptant le dispositif au fur et à mesure de ce qu’on apprenait de la maladie Covid-19 et du SARS-CoV-2. Le modus vivendi hospitalier, hiérarchisé et siloté, a été bouleversée avec une facilité qui met en défaut l’apparente lourdeur dont l’édifice est affublé. Tout le monde a appris en marchant, les moyens matériels ont été mutualisés, la compétition a cédé la place à la coopération, des spécialistes se sont transformés en aides-soignantes, des retraités sont revenus dans les services, les tensions entre gestionnaires et soignants ont fait place à la co-construction de solutions pragmatiques … parce que l’urgence l’exigeait. Point.

L’hôpital s’est réorganisé à partir du malade, pour lui être utile. Voilà la leçon. Tout groggy de cette expérience, le corps sanitaire appelle au retour des patients « ordinaires » mis de côté le temps de cette vague et se demande comment tirer les leçons de la crise sur le fonctionnement ordinaire de l’institution[1]. Un des enjeux sera sans doute de conserver le terrain pris sur l’appareil bureaucratique et de prendre ses distances avec la culture de l’hyper-compétition entre équipes pour être plus souple, plus efficace, plus collectif, bref plus UTILE.


Plus largement ce n’est pas juste l’hôpital qui a su démontrer sa réactivité dans la prise en charge des plus malades, mais tout le système de santé.


Le Ségur de la santé, lancé la semaine dernière, doit répondre aux demandes des soignants. Immédiatement c’est le volet social, plus exactement salarial, qui prend logiquement le pas sur le volet sanitaire, lequel occupera le devant de la scène tout juste après, n’en doutons pas. Symboliquement, la santé et les acteurs du soin ont repris la place qu’ils avaient longtemps eu au sein du service public : celle d’un bien commun précieux.

Le léviathan n’a donc pas seulement bougé de façon leste, il a symboliquement mué, son image est devenue autre, plus positive, et ses difficultés ne sont plus le produit de ses tares, mais des embûches semées sur son chemin.

Deuxième enseignement : de l’utilité des assureurs.

Et l’image des assureurs ? Leur utilité ? Quelles sont-elles ?


En lisant la prose des entreprises d’assurance ces derniers temps, deux choses sont évidentes : l’assureur parle d’argent (il en donne ou s’abstient d’en réclamer) et de contrats (tout le monde sait désormais qu’il faut lire attentivement ce que couvre la garantie « pertes pécuniaires » et que la cat’san’ n’est pas une cat’nat’). Une troisième saute aux yeux : les assureurs n’hésitent pas à laver leur linge sale en place publique, forme inédite de transparence qui ne devrait pourtant pas contribuer à améliorer leur image.


Loin de ces querelles de positionnement ou de communication, les assureurs prévoyance ont eu les honneurs de l’attention ministérielle pour le maintien des salaires liés aux arrêts de travail (on imagine les sueurs froides des directions techniques qui se demandent à combien s’élèvera la facture). La position commune de beaucoup d’acteurs a été de rappeler qu’ils tiendraient leurs engagements – position minimaliste – et ceux disposant d’une action sociale ont mis en place des mécanismes d’aide divers – en bonne logique avec leur forme sociale !


De leur côté, les complémentaires santé et, même la sécurité sociale, n’ont pas été particulièrement évoquées durant le confinement. De façon surprenante, sauf erreur, les complémentaires santé n’ont pas été critiquées pour ne pas en avoir assez fait. Ainsi, par exemple, personne n’a pensé à reprocher aux OCAM de n’avoir distribué aucun masque aux assurés et leur famille alors que cela n’aurait été ni impossible ni mal perçu, et que cela aurait parfaitement correspondu aux prétentions qu’elles affichent en matière de prévention primaire ! Qu’est-ce que cela signifie ?


Primo, que le financement du soin (métier des OCAM) n’intègre pas la dispensation ou même l’organisation du soin. Collectivement, les Français ne considèrent pas que les « mutuelles » ou même la « Sécu » ont quelque chose à voir avec la gestion sanitaire d’une crise aussi majeure que celle du Covid. Et sur ce point, le consensus est net : les OCAM non plus, ils ne considèrent pas devoir fournir quoi que ce soit (a fortiori pas des masques).

Secundo, il en résulte que si les assureurs remontent dans la chaîne du soin, les choses pourraient changer. Logiquement, ils entreront dans le champ des critiques sur l’accès, l’efficacité ou les effets du soin à mesure que leur action s’en rapprochera. Cela n’a rien de théorique : il y aura lieu de s’interroger sur le succès des téléconsultations si la hausse des demandes a généré – ou frôlé – une saturation des capacités. Un déni de service de télédiagnostic ou de télésoin aurait autrement plus de conséquences qu’une déception sur un remboursement…


Ces quelques réflexions montrent combien il faut savoir garder ses distances avec le séduisant refrain de l’innovation par l’intégration de services (de santé). L’enrichissement ou la remise à jour de son offre est sans doute utile et il ne s’agit pas de décourager ici l’innovation produit. Mais l’adjonction de services périphériques de santé entraîne l’assureur sur un chemin qui n’est pas neutre et pas si naturel, même pour les « mutuelles » !


S’en tenir au discours classique « le contrat, tout le contrat et rien que le contrat » et se résoudre à verser de l’argent (et non à soigner) n’est en rien méprisable. Bien fait, c’est même très utile , et …c’est bien le minimum que la profession puisse faire. Certes, mais à ce jeu-là certains assureurs s’en sont indéniablement mieux sortis que d’autres durant la crise. Et ils ne sont peut-être pas les plus innovants en termes de produits, mais ils sont parfaitement bien alignés avec leur raison d’être.

 

[1] Voir F. Crémieux, « Un système de santé en déséquilibre », Esprit, avril 2020, https://esprit.presse.fr/actualites/francois-cremieux/un-systeme-de-sante-en-desequilibre-42696 ; voir aussi la tribune cosignée par G. Vallancien voilà deux ans (!) et rappelée fort opportunément par ce dernier sur les réseaux sociaux le 9 mai : https://www.lesechos.fr/2018/04/pour-un-statut-unique-des-medecins-988766#utm_source=le%3Alec0f&utm_medium=click&utm_campaign=share-links_linkedin


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